L’IA & la santé mentale : ce que révèle la levée d’Elkedonia

La santé mentale est l’un des enjeux majeurs du 21e siècle. Avec une population mondiale sous tension, des systèmes de soins saturés et des traitements souvent inefficaces, les besoins explosent. Face à cela, une nouvelle vague de start-ups mêlant neurosciences, biotech et intelligence artificielle émerge : les neurotechs.
Elkedonia, spin-off issue du studio biotech Argobio, vient de lever 11,25 M€ pour développer des thérapies innovantes contre la dépression résistante.
Cette opération en dit long sur l’évolution d’un marché encore sous-financé… mais à fort potentiel clinique et sociétal.
1. Santé mentale et neurotech : une convergence naturelle
Un problème massif et mal adressé
• 1 personne sur 8 dans le monde souffre d’un trouble mental, selon l’OMS.
• La dépression résistante touche environ 30% des patients, sans solution durable.
• Les approches médicamenteuses actuelles ont des latences longues, des effets secondaires et des taux d’échec élevés.
Pourquoi les neurotechs changent la donne Les neurotechs ciblent les mécanismes de la plasticité cérébrale. Elles explorent de nouvelles classes thérapeutiques : neuroplastogènes, stimulation ciblée, modélisation du cerveau par IA… Elkedonia développe par exemple des inhibiteurs sélectifs d’Elk-1, une protéine-clé des circuits de récompense et de résilience émotionnelle.
L’approche se veut non-hallucinogène, non-addictive, mais tout aussi puissante que les psychédéliques testés ailleurs.
L’apport de l’IA L’intelligence artificielle est utilisée pour :
• Identifier des biomarqueurs prédictifs de réponse au traitement
• Personnaliser les protocoles thérapeutiques
• Accélérer le développement préclinique (criblage, simulation)
La convergence IA + neurobio permet d’aller vers une médecine mentale plus précise, rapide et mesurable.
2. Un marché à fort potentiel… mais difficile à financer
Une forte traction marché
• Le marché mondial de la santé mentale est estimé à > 400 Md€ d’ici 2030, porté par l’explosion des cas de burn-out, dépression, troubles anxieux.
• L'intérêt grandit chez les assureurs, employeurs, mutuelles.
• Les Big Pharma reviennent sur ce segment, après 15 ans de retrait, mais en ciblant des startups plus pointues.
Des barrières classiques au financement
• Cycle long et risqué : le développement de molécules ou de dispositifs neurotechs nécessite des années de R&D, souvent sans revenu pendant 5 à 8 ans.
• Réglementation stricte : exigences cliniques fortes, certification en santé mentale complexe.
• Scepticisme historique : les investisseurs ont longtemps évité la santé mentale, perçue comme trop subjective, difficile à modéliser, voire peu scalable.
Comment Elkedonia contourne ces obstacles
• Appui scientifique fort : recherches issues de l’Institut du Cerveau et de la Sorbonne.
• Un studio biotech (Argobio) qui structure l’amorçage clinique et financier.
• Un syndicat intelligent mêlant VC santé, Bpifrance, et financements publics.
C’est le type de montage hybride et stratégique qui rassure les investisseurs tout en préservant la mission médicale.
3. Les enseignements stratégiques de la levée d’Elkedonia
Une levée bien calibrée pour l’étape
Avec 11,25 M€, Elkedonia finance :
• Le passage préclinique vers les premiers candidats médicaments
• Le développement de biomarqueurs compagnons
• L’établissement d’un pipeline propriétaire
Ce n’est pas une série A massive, mais un "seed bridge" bien dimensionné pour consolider la preuve de concept avant le passage en clinique.
Une gouvernance partenariale
Le tour est co-construit par :
• Bpifrance (Deeptech et France 2030) : levier public structurant
• Kurma Partners et WE Life Sciences : VC santé spécialisés, familiers du risque clinique
• Argobio : studio biotech qui structure la stratégie, le recrutement, la roadmap scientifique
Un montage public/privé à fort niveau de maturité, inspirant pour d'autres porteurs de projets deeptech.
4. Quelles leçons pour les start-ups et les investisseurs Healthtech
Pour les start-ups
• Travailler l’adossement scientifique dès l’origine : publication, labos reconnus, brevetabilité
• Cibler un usage clinique bien défini : pas une solution “généraliste”, mais un traitement d’un sous-groupe de patients avec des biomarqueurs précis
• Assumer un cycle long, mais montrer une roadmap par jalons (biomarqueur validé, cible inhibée, test animal, etc.)
• Chercher des financeurs patients, spécialisés santé ou impact
Pour les fonds à impact et VC santé
• Intégrer la santé mentale comme enjeu prioritaire de société
•Miser sur la convergence IA / bio / médecine de précision
• Sortir du modèle “SaaS santé” court-terme et se positionner sur des projets deeptech à impact mesurable
• Collaborer avec les structures publiques (ANR, Bpifrance, Europe) pour dé-risquer les phases précoces
Le duo science solide + mission forte attire désormais les bons profils et les bons investisseurs.
En résumé
• Elkedonia incarne une nouvelle génération de neurotechs hybrides, entre biotech et IA.
• Sa levée de fonds est un signal fort sur la maturité croissante du marché de la santé mentale.
• Pour les porteurs de projet, c’est un modèle à suivre en termes de stratégie scientifique, de financement, et de positionnement clinique.
• De parler à des investisseurs “deep impact” sensibles à ton approche